(Douleurs de) croissance.

Pendant le mois de juillet, notre vice-présidente Nina s’est rendue à Ndieguène pendant quelque temps afin d’évaluer l’évolution des activités au “Coquetier Social”. Voici son rapport :

Enfin la visite suivante. J’étais follement curieuse des progrès au Coquetier. Top m’a souhaité la bienvenue avec Iba, un garçon qui habite là depuis quelque temps. Notre premier talibé, qui restera au Coquetier pour une période de 6 mois. A l’âge de huit ans il s’est trouvé dans la rue, ou il mendiait toute la journée pendant des années. Sa vie a changé considérablement pendant le mois qu’il a passé déjà ici. Il dort dans un lit, mange trois repas sains par jour et acquiert chaque jour de nouvelles connaissances. Et cela ne se limite pas aux sujets liés à l’emploi comme l’élevage des poules et le démarrage d’une entreprise agricole ou la fabrication de briques et la maçonnerie. Top lui apporte également toutes sortes de nouvelles connaissances dans la sphère privée : sur l’alimentation, l’hygiène, les bonnes manières, la structure quotidienne, les bonnes manières à table et la dynamique familiale. Une longue liste d’aptitudes qui lui sont apprises avec l’autorité paternelle et la patience. Le garçon est tout à fait membre de la famille, déjà une nouvelle expérience en soi et il est très enthousiaste. Plusieurs villageois ont déjà fait la connaissance de notre premier « garçon de la rue » et aperçoivent des tas de possibilités. Le travail plaît beaucoup à Iba. Dès qu’il aura choisi son poste, Top le présentera à des employeurs possibles : des propriétaires de grandes fermes de poules dans les environs, des entrepreneurs dans l’industrie de la construction, des agriculteurs. Je crois que nous pouvons être sûrs qu’au moins un garçon est sorti d’une vie de misère et d’exploitation.

Pendant mon séjour, l’ancien professeur de Coran d’Iba est venu visiter notre projet. Il l’a tellement apprécié qu’il a décidé de passer la nuit avec nous. Il a aidé à changer l’eau des poules et à remplir les mangeoires, il a pris un repas belge et bu du thé avec nous. Contrairement à beaucoup d’autres marabouts, il pense que les enfants devraient encore apprendre d’autres choses que le Coran.

Il a parlé à Iba et a vu que tout était bien. Top a traduit mes questions. Cette conversation m’a rendue très optimiste pour l’avenir.

L’homme a promis de nous envoyer des garçons de la rue qui achèveraient leurs études coraniques et entreraient ensuite au marché du travail sans aucune formation professionnelle. Il nous enverra aussi occasionnellement des adolescents qui apprendront ensuite à fabriquer des briques et à maçonner. Nous paierons les garçons pour le travail qu’ils exécutent pendant leur formation courte et ils ne devront pas donner leur argent au marabout, mais pourront le dépenser eux-mêmes ou épargner. Le marabout donne son accord pour un maximum de trois jours de logement à Ndieguène, puis ils doivent retourner dans les villes pour mendier et prendre des leçons de Coran.

Toute la conversation m’a remplie de joie, car nous voulons créer un avenir pour les talibés dans leur propre pays. Iba aussi était l’un de ces jeunes qui ne voyait pas d’issue et voulait tenter sa chance en Europe en pirogue. Pour le moment il aperçoit un avenir au Sénégal ou en Guinée Bissau, son pays natal. Nous espérons que la formation pourra convaincre un grand nombre d’autres talibés pour rester dans leur pays natal, parce que la traversée est dangereuse et un avenir en Europe ne garantit pas le bonheur et pousse nombre de migrants de nouveau dans la misère.

Actuellement Top ne peut s’occuper de plusieurs garçons. Le projet n’est pas encore en mesure de se financer et chaque euro compte pour permettre un redémarrage. En plus il n’y a toujours pas d’eau dans le puits : par conséquent nous ne pouvons étendre les activités. Nous avons demandé l’avis d’un ingénieur qui fait des forages de puits. Il nous a rendu visite et a observé le sable, qui avait été récemment creusé dans le puits. D’après lui nous sommes à quelques mètres de distance de l’eau seulement et il nous a conseillé de continuer à fouiller le sol. Dans le cas où les travaux  s’avèrent difficiles, il veut bien envoyer une équipe qui continuera le travail. Si l’eau n’est pas encore atteinte, il nous fera une offre pour un forage de profondeur. Espérons que l’eau sera atteinte dans notre puits. Avec l’aide du financement de la commune de Keerbergen, nous pouvons envisager l’achat du matériel nécessaire pour l’irrigation de la terre de culture.

L’élevage des poules est devenu un succès considérable. Nous avons pu occuper la deuxième étable : un peu plus grande que la première et apte pour les poules pondeuses. Pourtant nous avons choisi des poules de chair comme première habitation. Le risque financier s’avère moindre à ‘occasion d’une perte éventuelle de poules de chair que pour des poules pondeuses. En effet nous utilisons toujours de l’eau potable et devons nous fier à la bonté du voisin qui nous donne de l’eau quand le robinet ne fonctionne plus pendant des jours. Un accident peut toujours arriver. Par exemple : cinq jours avant la fête du Sucre nous avions préparé 160 poulets pour la vente : abattu, nettoyé et emballé individuellement pour la vente aux particuliers du village. Suivaient deux jours de panne de courant. A 40° C il était inutile de distribuer les poulets dégelés au village : tout le monde avait déjà cherché de la nourriture au marché et le poulet ne pouvait être conservé jusqu’au lendemain, car personne ne dispose d’un frigo. Une perte terrible qui ne nous est point permise !

Une solution structurelle s’avère nécessaire pour résoudre le problème de l’eau. Tous les regards sont tournés vers deux ingénieurs – des étudiants de dernière année de Diepenbeek – qui vont mettre en pratique leur mémoire de maître. Ils sont soutenus par l’organisation à but non lucratif « Students for Energy » en Afrique et fourniront de l’énergie à notre projet et au village. Une éolienne, des panneaux solaires ou une combinaison des deux. Biogaz de fumier de poulet. Notre projet n’est pas encore assez grand pour cela, mais à proximité se trouvent des fermes industrielles avec des dizaines ou des centaines de milliers de poulets. Les étudiants pourront innover à leur guise !

Et s’il y a de l’eau et de l’éléctricité, nous pouvons aller de l’avant à toute vapeur ! Avec plus de talibés. Avec notre production, nous pouvons gagner de l’argent pour soutenir les projets urbains à Yoff et à Thiès et c’était tout le planning.

La saison pluvieuse s’approche. J’ai appris hier qu’ailleurs au Sénégal la première pluie est tombée. Pour la première fois pendant une période de dix mois des gouttes ont commencé à tomber et espérons qu’il pleuvera averse !

En accord avec l’aîné du village et son fils  (et tout le reste du village a exprimé son opinion) nous avons décidé de planter des pastèques sur la plaine ouverte – agriculture bio. L’investissement ne sera pas très important. Les pastèques ont besoin de peu d’eau pour grandir et le cultivateur peut fixer le prix lui-même (contrairement au prix des cacahuètes qui est fixé par l’état). Pendant les mois passés tous les déchets de la cuisine ont été mélangés au fumier des poules.

L’eau de la pluie mettra en marche la conversion en composte et ainsi nous disposons de fumier pour assurer une bonne croissance aux pastèques. Nous devons épargner encore un petit temps pour terminer la clôture. Bina, notre chien de garde, devra prendre soin que les troupeaux errants de vaches et de chèvres ne mangent pas toutes les plantes avant qu’elles ne puissent grandir.

Mon séjour de deux semaines était bien trop court une fois de plus, mais je suis tout à fait contente des activités à Ndieguène et très enthousiaste pour travailler durement à la prolongation du projet.