Opinion: Pourquoi nous faisons ce que nous faisons.

Si nous ne croyons pas dans les petits initiatives, la fin du monde se manifestera plus vite que nous le pensons.

Une thèse solide pour commencer un article, non?

Combien de fois devons-nous écouter les critiques des personnes sans la moindre experienc: “ 300.000 enfants mendiants au Sénégal, et vous en aidez … combien? 100 par an?” “Tu ne peux pas prendre la misère du monde entier sur tes épaules.” Tout ce genre de discours.

The person who says it can’t be done, should not interrupt the person doing it.

Et donc, nous le faisons. A quatre personnes et une poignée de volontaires occasionnels qui retroussent les manches. Avec 22 membres qui paient une cotisation modeste annuelle (y compris nous-mêmes et nos mères).

Trois projets au Sénégal: un à Dakar (Atax), un à Thiès (Djardjal) et un dans la zone de brousse de Ndieguène (Le Coquetier Social). Parce que nous, nous ne comptons pas sur l’initiative d’un gouvernement, d’une superpuissance ou d’un multimillionnaire qui peut injecter tant d’argent qu’il a un impact qui fait la une de journaux. Depuis quinze ans nous faisons la différence pour des enfants qui n’ont pas leur place dans la société. Des enfants dont les droits sont violés presque tous les jours. Nous le faisons parce que nous pensons qu’il est important de partager ce qui nous a été donné, automatiquement, juste parce que nous sommes belges. Avec ceux qui ne reçoivent pas les choses les plus évidentes: éducation, nourriture, eau, soins médicaux, assainissement etc.

Au cours de ces quinze années, plus de 100 enfants ont bien sûr frappé à nos portes. Quelqu’un leur a montré qu’il sont importants, leur a donné une fenêtre à travers laquelle ils peuvent regarder la vie d’une manière différente, les a aidés à obtenir une éducation et donc un emploi dans leur propre pays, leur a donné une alternative à une adolescence dans la misère, la criminalité ou la prostitution. Nous avons tourné leur attention vers leur propre pays au lieu de continuer de vivre cette rêve de l’Europe, ce Walhalla. Chaque enfant est unique et retire de l’expérience ce qu’il peut faire pour lui-même. Certains viennent juste pour manger et prendre une douche ou utiliser les toilettes, d’autres pour suivre les cours d’éducation et sont aidés afin de trouver un emploi, encore d’autres trouvent une oreille attentive aux problèmes d’abus. Et pour chacun d’entre eux, cela vaut la peine que nous fassions ce que nous fassions, année après année, même dans les moments difficiles.

Pour moi, j’ai décidé que ma vie vaut la peine dêtre vécue si j’ai pu changer radicalement le destin d’une seule personne. Je crois fermement aux principes de la permaculture: commence à petite échelle, réalise des changements restreints et durables, observe, utilise la diversité et fais des adaptations en fonction de tes observations.

Si notre travail est bien exécuté, l’impact touchera aussi à des autres. Nos clients deviendront les prestataires de soins. Pas tous, bien sûr, mais ceux qui ont vu la lumière la partageront avec leurs pairs, mieux que nous ne le pourrions jamais. Si nous nous acquittons convenablement de notre tâche, nous créerons un réseau de relations et l’impact grandira. Ensemble avec d’autres organisations, nous finirons enfin par être reconnus et le système de l’esclavage des enfants sera aboli. Et bien que ce soit notre rêve ultime, notre travail ne sera toujours pas terminé d’ici là, car chaque enfant qui a grandi dans ce système bénéficiera de notre contribution pour les années à venir.

En attendant, nous devons être non seulement des aides mais aussi des dénonciateurs. Pour en revenir à la goutte d’eau dans l’océan: les gouvernements ne vont vraiment pas prendre l’initiative de résoudre les problèmes, ni chez eux, ni à l’étranger. L’aide du gouvernement provient de l’atention portée aux phénomènes inacceptables, de la pression des electeurs, car en fin de compte, c’est de cela qu’il s’agît. Si nos projets, en coopération avec d’autres, peuvent attirer l’attention du gouvernement local au Sénégal, alors quelque chose commencera à se produire. Tous ces petits objets sont peut-être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Si les Sénégalais eux-m^mes jettent le dicrédit sur le système et s’il y a une pression internationale dans les missions commerciales et autres, parce que les droits de l’homme sont violés. Nous n’avons pas d’illusions. Nous ne pourrons pas abolir ce système, tout au plus pourrons-nous accélérer sa disparition. En attendant, nous ferons ce que nous pourons et ne soupirerons pas que le monde ne soit pas divisé équitablement. Nous mettons nous-mêmes l’épaule à la roue. Etre témoin d’une injustice et ne rien faire est également un crime!

 

(Photo : des talibés dans leur daara, où ils dorment à même le sol et étudient le Coran à la lumière des bougies)